Vendredi 6 juin
Marcus Malte
Marcus Malte, librairie L’Atlantide à Penmarc’h





Samedi 7 juin
Noir c’est noir en Espagne, avec Carlos Salem et Keko animé par Gilbert Kerleau



Le noir en cinéma et en littérature, avec Pierre-Julien Marest et Luc Chomarat animé par Alain Ouannès



D’une bibliothèque à l’autre, avec Nicolas Le Flahec, Marcus Malte, Séverine Chevalier, Sébastien Gendron et Pierre Fourniaud (La Manufacture de livres), animé par Gilbert Kerleau



Paris-New York, New York-Paris, avec Marine Béliard, Danielle Thiéry et Jeanne Guyon (Rivages), animé par Fabienne Regnaut



Le territoire au coeur de la fiction, avec Stéphane Grangier, Tristan Saule et Sébastien Vidal, animé par Gilbert Kerleau


Protéger sa famille, à n’importe quel prix ?, avec Jurica Pavičić et Abir Mukherjee, animé par Catherine Dô-Duc

Morceaux choisis
Abir Mukherjee
J’écris sur des sujets qui soit me mettent en colère, soit me posent question. J’ai commencé à écrire ce livre il y a 4 ans : c’était la montée du populisme. Le monde part dans une direction qui me fait peur. Je voulais écrire à propos de parents – je suis moi-même père de deux enfants – ma peur est de ne pas pouvoir protéger mes enfants. Quand j’ai commencé à écrire ce livre, c’était la montée de Daech, le début du phénomène d’embrigadement et de départ de certains jeunes pour le Maghreb et Daech. Pourquoi ces enfants partaient-ils ? Ce qui m’inquiétait beaucoup aussi c’était la montée de la droite partout dans le monde. Ce n’est plus la droite opposée à la gauche, mais plutôt une sorte d’arc où l’extrême-droite se rapproche de l’extrême-gauche. Ce livre parle de deux parents : une femme américaine blanche, un père indien. Et tous les deux sont traités de façon très différente par les autorités. Ce livre se passe aux Etats-Unis : je voulais que le public américain le lise, et ce public n’a pas les mêmes habitudes de lecture qu’en Europe, et en France en particulier, où les lecteurs ont une approche plus profonde du texte. Il fallait que ça aille vite. Je voulais faire un thriller, avec le rythme qui va avec. Et puis je continue d’apprendre, je fais des expériences en tant qu’écrivain.
Dans la culture indienne, l’unité familiale compte beaucoup. Chez les immigrés, qui sont souvent de la classe ouvrière, qui n’ont pas d’argent, qui n’ont plus de racines et vivent dans un pays qui peut être très hostile, ce qui leur reste, le refuge, c’est la famille. Ma famille est arrivée en Ecosse dans les années 60. L’Angleterre est très particulière : l’ex-Premier Ministre me ressemblait, en moins beau bien sûr. Cet homme venait de la même communauté que moi, et les immigrés comme lui, médecins, ingénieurs, avocats – parlaient anglais et venaient de la classe moyenne. Moi, en tant que classe moyenne, mais avec une couleur différente, j’avais davantage d’opportunités qu’un Anglais blanc de la classe ouvrière : c’est le grand paradoxe de la société britannique. Les immigrés de la classe ouvrière sont doublement piégés : quand vous naissez dans cette communauté, né citoyen britannique mais sans vous sentir britannique, vous n’avez pas d’opportunité et vous n’êtes plus de la même nationalité que vos parents. Vous êtes entre les deux, et vous n’avez plus aucune racine. Donc quand quelqu’un vous séduit et vous fait croire que vous avez trouvé votre « maison », comme ce que fait Daech, comme vous êtes seul, vous craquez.
Jurica Pavicic
Quand je suis en France, on me conseille de ne pas dire que j’écris des thrillers, mais des romans noirs ! Le thriller, en France, serait une étiquette négative. Mais je pense pourtant que le mot est celui qui désigne le mieux ce que nous faisons. La grande question est « qui sait quoi ? » Tant que le lecteur a le même niveau d’information que le personnage principal, on est dans le roman policier. Si le lecteur en sait plus que le personnage principal, on est dans le thriller. C’est cette différence de connaissance qui fait le suspense. Un peu comme chez Hitchcock. Notre connaissance crée le thriller…
Je voulais que ce roman décrive un conflit dans une famille très nucléaire. On ne parle pas ici de division idéologique ou politique, mais d’une division entre des gens qui pensent que la chose la plus importante est la loyauté au contrat social et ceux qui jugent que ce qui compte le plus, c’est la loyauté à la famille. Même s’il n’y a pas vraiment de politique dans ce livre, de corruption ou de crime de guerre, la division que je décris est elle aussi éminemment politique et très importante. En Méditerranée, la mère doit être protectrice… Et la fille, qui vit une vie moderne, est écartelée. C’est un peu une tragédie grecque. Je voulais ce conflit entre la mère et la sœur, ce modèle de famille patriarcal. Ce n’est pas un choix politique, mais au final dans mes livres la femme est toujours le principe actif ! C’est peut-être pathologique chez moi…
Pour la mère de mon roman, le sang, la tribu est la chose à laquelle il faut être loyal jusqu’au bout. Pour moi, c’est très problématique mais c’est très fréquent. Dans une situation comme celle-là, beaucoup de mères ou de pères dans le monde feraient la même chose. Comme dans la chanson de Springsteen, « Highway Patrolman » : « Well if it was any other man / I’d put him straight away / But when it’s your brother / Sometimes you look the other way. » « Si c’était quelqu’un d’autre je le choperai tout de suite, mais quand c’est ton frère, alors tu regardes ailleurs. » Elle considère sa fille presque comme une traîtresse. Effectivement, c’est très dangereux mais aussi très typique en tant que norme sociale, en particulier dans la région méditerranéenne.
Écrire en duo, écrire en solo, avec Valerio Varesi et Michèle Pedinielli, animé par Catherine Dô-Duc



Dimanche 8 juin
Secrets de famille empoisonnés, avec Fabrice Tassel, Nicolas Zeimet et Simon François, animé par Gilbert Kerleau



De la recherche à la fiction en passant par le réel, avec Dominic Nolan et Frédéric Paulin, animé par Catherine Dô-Duc



Morceaux choisis
Frédéric Paulin
Quand j’étais gamin dans les années 80, je voyais à la télé les visages des otages français au Liban et je demandais à mon père ce que faisaient ces gens dans les geôles. J’ai commencé à amasser de la documentation sur la guerre du Liban, et au-delà de ça sur la multitude d’acteurs en jeu. Et comme d’habitude, ce qui se passe en coulisse est bien plus intéressant que l’histoire officielle. J’ai aussi voulu voir en quoi cette affaire influait sur la vie politique française. Chez moi, l’image déclenche le récit. (…) Cette guerre qui a démarré en avril 1975 et dont on dit qu’elle a duré 15 ans, dure encore en fait, sous une autre forme. Cette guerre n’en finit pas. Le travail de documentation bétonné que je fais, c’est aussi parce que ces événements sont assez récents et que les protagonistes, pour certains, sont encore vivants. Une de mes lignes éthiques est celle qui m’empêche de blesser ceux qui sont encore là, et donc qui m’oblige à rester au plus près de la vérité. La documentation permet de garder une certaine déontologie.
Dominic Nolan
Le livre traite de 4 crimes réels. Ma priorité en matière de documentation, c’est de faire des recherches aussi étendues que possible, pour trouver le bon ton. Quand on a une connaissance étendue sur le sujet, cela donne des libertés d’écriture. Ces 4 crimes n’ont jamais été résolus, ce qui me donnait la liberté de les résoudre par la fiction. Mon parcours consistait un peu à relier des points qui ne l’avaient pas été. Il y a environ 75 personnages authentiques dans le livre, auxquels j’ai ajouté mes propres créations. Et pour le service juridique de mon éditeur, la priorité était que les personnages réels soient morts… Ainsi, ils ne pourraient pas protester ! Pour moi, l’authenticité prend la priorité sur l’exactitude. Si un élément ne « rentre » pas dans mon histoire, je le change ! Pour moi, la recherche sert à atteindre une certaine réalité. Je suis un chercheur en fauteuil : je vis à Londres, donc ce n’était pas si difficile. Même si le quartier que j’habite n’a pas changé en 70 ans, contrairement à Soho où se déroule le roman.
Déviants or not déviants ?, avec Morgane Caussarieu et Christophe Siébert, animé par Alain Ouannès



Jean-Patrick Manchette, avec Nicolas Le Flahec, Jérôme Leroy, Christophe Siébert, Séverine Chevalier, animé par Catherine Dô-Duc



De l’héroïne de fiction à la combattante du réel, avec Pascale Dietrich, Clarisse Serre et Leye Adenle, animé par Catherine Dô-Duc



Les racines, au coeur de l’humain, avec Roxanne Bouchard, Olivier Truc et Simone Buchholz, animé par Gilbert Kerleau



Mélanges de genres, avec Marcus Malte et Jérôme Leroy, animé par Catherine Dô-Duc



Secrets d’État et liaisons dangereuses, avec Eric Decouty et Pierre Pouchairet, animé par Gilbert Kerleau



Morceaux choisis
Eric Decouty
Je travaille sur le réel. Mon personnage Martin Kowal fait partie des RG (renseignements généraux), organisation de renseignement politique au service du pouvoir, qui n’existe plus aujourd’hui. Début des années 70, on a encore les restes de la guerre d’Algérie. Martin est fils de commissaire aux RG, un peu sur la touche. Il va être amené à enquêter sur l’assassinat de l’ambassadeur de Bolivie en France (un événement réel) en 1976, sur le Pont de Passy. C’était un des chefs du groupe qui a assassiné Che Guevara. Martin picole beaucoup, passe beaucoup de temps dans les boîtes et va être amené à enquêter sur l’affaire et le pouvoir politique. L’assassinat n’a jamais été élucidé, et ça m’amusait de l’élucider, c’est ce qui va servir de trame à mon roman. Martin va être désigné pour cette enquête. Valéry Giscard d’Estaing et Michel Ponatiowski ont des éléments pour mettre cette histoire sur le dos d’une organisation gauchiste… De fil en aiguille, Martin et son acolyte, un vieux flic, vont découvrir qu’il ne s’agit pas de la bonne piste. Ils vont mettre à jour une histoire familiale, et la vraie filière à suivre. Malgré le pouvoir politique qui n’a pas du tout envie qu’on connaisse la vérité. On va découvrir les relations très étranges qu’entretient l’État français avec les dictatures d’Amérique du sud… L’histoire repose sur la guerre d’Algérie, avec les grands responsables militaires de la Bataille d’Alger qui sont partis en Amérique du sud – c’est une réalité historique. Ils ont formé, en quelque sorte, les militaires sud-américains. Mon personnage va mettre au jour cette histoire, et l’aspect familial et personnel de sa propre histoire. Le personnage fictif d’Elisa Cabrera est une réfugiée sud-américaine à Paris, plutôt de gauche, dont mon héros va tomber amoureux. Martin est donc coincé entre ses sentiments et sa mission… Quant au personnage de Roland Dumas, qui est surtout évoqué dans mon livre précédent, il symbolise bien la politique de l’époque où se mêlent une forme de barbouzerie, la fréquentation des milieux interlopes, et aussi une grande culture. Une pratique politique très particulière. J’ai beaucoup travaillé sur Roland Dumas quand j’étais journaliste, et j’ai retrouvé sa présence dans de nombreuses affaires… C’est un personnage qui a un potentiel romanesque formidable.
Pierre Pouchairet
Le Captagon existe depuis avant la IIe Guerre mondiale : c’est un excitant très nocif… Pendant ma première expatriation au Liban, jusqu’en 2001, j’ai découvert que le Captagon, principalement produit en Syrie, inondait tout le Moyen-Orient. Beaucoup d’argent en jeu, ce produit étant vendu très cher principalement en Arabie Saoudite et dans les Émirats. L’Arabie Saoudite envoyait des officiers de liaison pour suivre la route de cette drogue. Mais visiblement, la répression ne suffit pas, puisque le trafic continue. La Syrie était devenue un narco-État à cause du trafic de Captagon. Moi aussi, j’aime bien mélanger réalité et fiction. Dans mon livre, la partie fictionnelle est l’idée de la commercialisation de cette drogue en Europe et le fait qu’on la rende léthale pour tuer un maximum de gens… D’où l’enquête des renseignements français, et la désignation d’une enquêtrice palestienne, qui apparaît dans plusieurs de romans, pour cette affaire. Ce qui me permet de montrer le travail des services de renseignement français, qui m’a conduit à obtenir le Prix du roman d’espionnage décerné par des anciens des services secrets. J’ai aussi invité la Bretonne Léanne Vallaury, dans cette histoire. Il s’agit d’une ancienne héroïne à moi ! La drogue est devenue de moins en moins chère. Pour moi, si on veut arrêter la drogue, il faut cibler les consommateurs… Tant qu’il y a des consommateurs, il y aura de l’offre.
Lundi 9 juin
Portraits de femmes, avec Séverine Chevalier et Laurence Biberfeld, animé par Gilbert Kerleau



Écrire en breton ? avec Jerom Olivry, Loeiza An Duigou, Frank Bodenes, Éliane Ansquer et Erwan Hupel, animé par Manu Mehu


