Home / Festival 2020 / Défi 2020 du Goéland Masqué / La plume noire du défi littéraire du « Goéland explicité 2020 »

La plume noire du défi littéraire du « Goéland explicité 2020 »

La plume noire est attribuée à Pascale Egron pour son texte « héréditaire ».

Une mention spéciale « contrainte détournée » est décernée à Pierre Forlodou  pour son texte « pages arrachées ».

Les lauréats des Plumes Noires :

 

« Héréditaire » de Pascale EGRON

obtient la plume noire

C’est la faute de son père s’il en est là ! Il répétait en boucle qu’il avait été incompris, que dans son village de Sicile, personne n’avait reconnu sa valeur.

Elle était pourtant bonne son idée : faire venir des cigarettes illégalement du Maghreb et les revendre moins cher que les cigarettes légales.

Seulement voilà, au lieu de crier au génie, la mafia locale l’avait accusé de vouloir les doubler et il n’avait dû qu’à son jeune âge d’échapper à la mort. Les mafieux bien installés l’avaient chassé de son village avec un coup de pied aux fesses : « Si on te revoit, on te coupe les couilles ! »

Depuis, toute la famille végétait dans un HLM de Sarcelles sur son salaire de mécano. Le mépris avait remplacé l’amour dans le cœur de sa femme, qui se reprochait amèrement de l’avoir suivi dans son exil.

Gavé de ces histoires depuis sa plus tendre enfance, Gino avait eu l’idée géniale de supplanter les deux caïds locaux de la drogue, Omar, le turc, toujours tiré à quatre épingles, et Jean, ou plutôt John, comme il se faisait appeler, qui ne quittait jamais ses santiags et son Weston.

Il avait fait courir le bruit que John voulait étendre son influence sur toute la cité, prendre la place d’Omar, et vice-versa. Une fois que les deux caïds se seraient entretués, il prenait le contrôle de tout le trafic, et donnait à son père le titre de chef de clan qui lui revenait de droit.

Il ignorait juste que John et Omar travaillaient en étroite collaboration, main dans la main, et que rien de ce qui se passait sur leur territoire ne leur échappait.

Et maintenant, il était là, ligoté dans une cave, le visage en sang, passé à tabac par les costauds des deux bandes.

John se penche, lui souffle la fumée de sa Camel dans le visage et murmure « Tu es vraiment un petit con, Gino. C’était pas une bonne idée »

Gino soupire, la voix de sa mère résonne dans sa tête : « Ton père a jamais compris qu’y a rien de pire que d’avoir vingt ans et des idées : tout le monde les trouve mauvaises »

Pascale EGRON

« Pages arrachées » de Pierre FORLODOU

obtient une mention spéciale « contrainte détournée »

 Youpeeeee! Waaaah! super! ça marche! ça y est! j’ai réussi à construire mon module. Les potes de la classe en techno avaient dit « jamais t’y arriveras ». Ben! Le module y vole, c’est bon.

Bon.

Moins bon quand même qu’un baiser de d’J. Elle s’appelle Jeanne mais elle aime que je l’appelle d’J, comme dans les séries de la télé.

D’J. c’est ma copine. On dit rien aux autres, – les potes quoi -, parce qu’ils comprendraient pas. On dit, avec J., qu’on est rien, parce que pour eux, – les potes -, l’amour ça n’existe pas.

Oui, mais avec d’J. chaque jour, eh ben! c’est la totalité de l’existence. Rien avant, rien après. Ça c’est l’amour, rien avant, rien après : ça se construit à chaque instant, c’est ce qu’on ce dit.

D’J. elle est des quartiers du haut, et moi du bas. Les parents y peuvent pas supporter, pourtant on habite la même cité. Mais son père dit que le sien était porion et le mien que haveur.

Un jour je lui ai fait un poème. La maitresse elle avait dit un jour qu’on pourrait essayer de faire rimer des mots à la fin des phrases. Alors voila ce que j’ai fait en pensant à J :

Dans le ciel, les étoiles du soir

Chaque soir te disent bonsoir.

Sur la terre, le soleil au petit jour

Par ses rayons te disent bonjour.

Et mon cœur par ses battements

Te disent je t’attends.

Putain, pendant que j’écrit y’a mon frère qui gueule aux parents : « Y a rien de pire que d’avoir vingt ans et des idées : tout le monde les trouve mauvaises ».

Pierre FORLODOU

Check Also

Ouest France du 14 mars 2023

« Zone tendue », le roman de la crise du logement Dans un court roman …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.