
En 2023 Nicolas Jaillet nous avait concocté un texte aussi cocasse qu’absurde, et avait poussé la conscience professionnelle jusqu’à la rédaction d’explications détaillées sur les principaux pièges.
Les miscellanées d’IKEA1
Claudia Chou-Fleur, vicomtesse de A* et satrape de B*, s’était ce matin-là, mis2 en tête d’aller à IKEA. À la vue des porte-manteaux, des protège-cahiers et des marteaux-piqueurs ; des myriades de babioles rutilantes qui s’offraient à ses yeux, la rombière émit cet oxymore :
— Quel beau chaos que voilà !
Claudia arpentait l’échoppe à la recherche d’un GLØSHM – soliflore à Forsythia – qui siérait galamment dans son boudoir, sous le blason plain en bel gueules et meuble de vair, emblème de sa lignée. Or, voilà-t-il pas qu’au détour d’un étal, la vicomtesse fit une macabre découverte.
Le corps sans vie d’un homme gisait, percé non pas d’un seul, mais de maint3 coup de FLØSHTM (couteau à huîtres). Pour comble d’horreur, l’entrejambe du malheureux béait. Le siège de sa virilité lui ayant été soustrait, il se trouvait à la fois sans vie, et sans vit. Néanmoins, la satrape, qui n’avait aucun goût pour les énigmes policières, laissa là le macchabée, saisit son GLØSHM et, par acquit4 de conscience, s’enquit de le payer.
La caissière, quoique poissarde, avait beaucoup d’appas. Et la satrape aussitôt s’en éprit. Car l’Amour, taquin qu’il est, autant que les petites gens, attrape les satrapes. Tout heureuse et toute honteuse5 à la fois, Claudia l’apostropha d’un ton accort :
— Tu es bien callipyge !
Et, lui tendant une paire de kouign-amanns de sa confection, elle ajouta :
— Veux-tu mes mets, ma mie ?
— Merci non, répondit la donzelle avant de se répandre en vils opprobres : foin des aristocrates cacochymes ! Crois-tu que tes sequins, tes ors, tes encens, tes myrrhes, ça m’épate ? Va-donc, eh ! Bouh, baste, ouste, bas les pattes !
Et la satrape, que la vindicte de la caissière avait plongée légèrement dans le coaltar, s’en fut, éplorée et déçue.
Ledit lesdits …
- Acronyme pour : Ingvar Kamprad : nom du fondateur, Elmtaryd : la ferme familiale, et Agunnaryd son village natal. ↩︎
- Se mette en tête de faire quelque chose.
Le participe passé reste invariable : elle a mis quoi dans la tête d’elle-même ? de faire quelque chose, proposition infinitive qui fait office de C.O.D., toujours placée après le participe mis. Adolphe V. Thomas est d’accord : « Elles s’étaient mis en tête de faire du cinéma. »
Mais dans le cas où le C.O.D. est un nom, celui-ci pouvant être placé avant ou après le participe passé. Comparons : (C.O.D. antéposé)
« Ces idées qu’ils se sont mises en tête » (Bescherelle), « Je ne sais quelle chimère il s’est mise en tête » (septième édition du dictionnaire de l’Académie française) et (C.O.D. postposé) « Paul s’est mis en tête l’idée fausse que Jeanne viendra le voir » (Bescherelle). ↩︎ - Dans la plupart des cas, « maint » est adjectif et donc variable, il signifie « plusieurs ». Au singulier, il signifie : « plus d’un ». ↩︎
- Ne pas confondre : acquis, PP d’acquérir, et acquit, n. m. provenant de acquitter. ↩︎
- Tout complète l’adjectif, donc adverbial, donc invariable MAIS il est pourvu d’un « e » euphonique devant honteux (h aspiré = dérivé du vieux françique *hônita (<= vieux saxon hônita) et non heureuse (h ajouté au moyen âge par imitation du mot « heure » mais provenant du grec eu- sans h, le h est une construction, donc ne se prononce pas). « tout » est adverbe, donc invariable, lorsqu’il est placé devant un adverbe, une locution adverbiale ou un adjectif masculin, ou adjectif féminin débutant par une voyelle ou un h muet.
Ancienne écriture de tout à fait désormais considérée comme fautive.
« L’arbre, destiné à transmettre le mouvement aux meules, n’est pas tout-à-fait horizontal, et il fait avec l’horizon un angle d’environ 15°. » — (Edmond
Nivoit, Notions élémentaires sur l’industrie dans le département des Ardennes, E. Jolly, Charleville, 1869, page 114) ↩︎