Home / Goéland croqué 2015

Goéland croqué 2015

LE GOÉLAND CROQUÉ

Croquer, brosser, tirer le portrait d’un héros de roman noir, tel était cette fois-ci, des Goélett’s, le défi.

Pour ce défi 2015 il fallait impérativement glisser dans le texte, sans la démembrer, la phrase suivante : « Toutes les familles heureuses se ressemblent ; mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon »

Les lauréats sont :

Péhi-Grekken Plume Noire  pour son texte « Mismarc’h Paul, détective privé »

Mimarc'h Paul, détective privé

Mimarc'h Paul, détective privé

« Toutes les familles heureuses se ressemblent ; mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon »

– « Mouais » se dit Paul in petto, sans paraître réellement convaincu. Il referma le magazine, supplément féminin de son quotidien, dont il venait, à son habitude, de dévorer la page « psychologie » et le planqua soigneusement au fond du grand tiroir, sous les revues plus masculines que sa femme s’attendait à trouver là. Il se leva, fit quelques pas dans le « bureau », vaste remise au fond du jardin dont une moitié lui servait à ranger son outillage, l’autre abritant son activité principale de détective privé. La chose était inscrite en lettres noires peintes à la main sur la porte de la remise : Mismarc’h Paul, Détective Privé. Et privé, il l’était, mais surtout d’affaires. Il ouvrit un étroit vestiaire de fer cadenassé, en sortit un chapeau mou et un imper mastic, enfila les deux et détailla le résultat dans le miroir récupéré d’une vieille armoire cassée qu’il avait fixé au mur. Il vit un quinquagénaire bourru, à la silhouette massive, au regard dur sous les paupières lourdes, surmontées d’épais sourcils broussailleux presque blancs. Les commissures basses donnaient franchement l’impression qu’il tirait la gueule, mais non, c’était son visage des jours ordinaires, un faciès de bouledogue taciturne, ce qu’il était, finalement, il le reconnaissait sans peine. Le maire de Saint Pierre–Tromignon ne l’avait-il pas baptisé « le monosyllabique » ? Petit con que ce maire venu de Rennes se perdre dans la campagne bigoudène à l’âge de la retraite, et qui ne pouvait rester une minute sans rien faire, ni sans rien dire, surtout ! Pas méchant, ça non, mais quel moulin à conneries ! Bonne source de gouennecs néanmoins. Pas dans son activité principale, Grands Dieux non ! Celle-ci, en deux ans depuis son installation officielle, ne lui avait pour encore pas rapporté un sou ! Non, c’est en tant que cantonnier-jardinier-homme à tout faire que la commune permettait à Paul de rapporter à la maison l’essentiel de sa part du budget du couple, essentiel qu’il complétait par de menus services rendus ici ou là auprès des vieux, et surtout des vieilles du village. C’est fou ce qu’on pouvait apprendre, en faisant ce job-là, surtout quand on savait fermer sa gueule. Et, justement, fermer sa gueule était chez Paul une véritable vocation, c’est dire s’il en avait surpris, des secrets, l’air de n’avoir rien entendu… Et là, il se disait que l’imper et le chapeau mou allaient enfin avoir une raison de sortir de l’armoire…

Eviscerator, Plume de l’Humour Rouge et Noir, pour «  Plume de Sang »

Plume de sang

Plume de sang

En ce 07 Décembre 2016, Thérèse Leduc arrivait donc à consécration. Son premier roman noir : « Coup de boule à Tréboul » avait contre toute attente rencontré un public international.

Il faut dire que Thérèse a passé les premières années de sa vie à Saint Maurice La Souterraine dans la Creuse. Elle y a puisé une force mentale digne des plus grands dictateurs tant, à Saint Maurice La Souterraine, l’on y côtoie au plus près l’écume des jours, et où le seul départ possible, l’unique opportunité de toucher les étoiles est fatalement… intériorisée …

La carrière tardive d’ambassadrice en France du Kirghizistan de Simone Leduc, mère de Thérèse, a contraint la famille Leduc à abandonner non sans mélancolie l’innocente et indolente douceur Creusoise. Le matriarcat fut une empreinte indélébile dans les repères intrafamiliaux de Thérèse. En effet, entre une mère ambassadrice et un père testeur de chaises longues au groupe Leroy Merlin, le pouvoir familial était inéquitablement réparti. Mais, à demi couché dans le dernier modèle de chaise longue du groupe, aux accoudoirs en aluminium traité, Hervé Leduc, philosophe, pensait de toute façon que  toutes les familles heureuses se ressemblent ; mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon.

Ainsi, la fille unique Thérèse Leduc s’est construite « au travers des injonctions paradoxales, d’un classicisme occidental à la banalité confondante »… Autrement dit, Thérèse a compensé sa folie douce dans la littérature. Elle a contourné le nombrilisme littéraire ambiant fort de sa conviction chevillée au corps que le polar est le révélateur de l’âme humaine par excellence.

Après avoir reçu la Plume Noire mention Goéland Croqué en 2015, Thérèse Leduc a su conquérir au-delà des frontières bigoudènes en vendant son best-seller à 4 billions de copies, et, car nous sommes toujours rattrapés par notre éducation, Thérèse savait déjà que son deuxième roman se nommerait « traverser le Kirghizistan en chaise longue »…

En attendant, à Mykonos, en ce petit matin du 07 Décembre, Thérèse, impréparée à un succès si fulgurant… pensait à sa nuit passée, avec ces trois légionnaires en permission, tout en grattant au fond de sa narine gauche les restes de cocaïne de la veille. Thérèse se lève nonchalamment, s’installe avec légèreté, se saisit de sa plume la plus audacieuse et de son papier le plus pur… Et écrit… trempant sa plume dans le sang encore frais de ses trois victimes nocturnes qu’elle a fini d’éviscérer à la petite cuillère, son mode opératoire préférentiel. Thérèse ne peut écrire un roman noir qu’avec une plume rouge de sang …

Gisèle-Ici, Plume du Réel pour « Ellipse »

Ellipse

Ellipse

Auchan, Leclerc, Super U, Intermarché, ses errances de caissière s’achevèrent dans la benne du Carrefour Market, entre les yaourts périmés et les paquets de couches déchirés. Luc et son cousin Yann, convertis à la décroissance depuis l’obtention du RSA, en rapine nocturne, la trouvèrent déjà glacée, nue, les mains crispées et le regard vague de la désolation. Si la faim justifie les moyens, elle n’empêcha pas le signalement au commissariat. Luc et Yann firent leur déposition et rentrèrent le ventre creux mais l’estomac noué, en pensant à la petite Fanny, tendrement endormie dans l’insouciance de ses dix ans. « Toutes les familles heureuses se ressemblent ; mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon. » Caroline Lofron était morte, violée, étranglée et balancée aux ordures. Les ordures, elle en avait connues, à commencer par sa propre mère, femme distinguée dans la société bourgeoise de Rennes. Ses éclats de directrice du TNR avaient marqué autant l’esprit des spectateurs que les cuisses et le dos de Caroline. Madame Lofron s’était abandonnée aux petites tortures, aux petites humiliations du quotidien sur sa fille, qui ne put trouver du réconfort auprès de son père, fier de la renommée de sa femme, aveugle au regard triste de sa fille. Caroline s’était tue.

Primaire, Collège, Lycée, la dégringolade l’avait menée dans les bras successifs de petites frappes, qui la consommaient et la jetaient comme le papier gras des kebabs, rue de la Soif. Saint-Michel était resté indifférent et Caroline s’en alla traîner ses baskets sur les bancs de Villejean. Seulement, la Fac, c’est bon pour les esprits fleuris : Caroline n’en faisait pas partie ; elle décrocha et fit, une fois n’est pas coutume, honte à sa mère. Alors, pour payer sa dette, elle encaissa l’argent des autres sous l’œil acéré des caméras de surveillance.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.